dimanche 28 août 2011

FAI : Retour vers le passé

J'ai eu accès à Internet chez moi pour la première fois en 1998. J'étais petit, on avait notre premier PC (avec 1,5 Go de disque dur, la claaasse !), on était émerveillé par Lycos, jouer au Solitaire sous Windows 95 relevait du prodige, il fallait 48 heures pour une défragmentation... Le bon temps, quoi. A l'époque, nous avions 1 h d'Internet par mois, chez Club-Internet, en très bas débit (pire que du 56k). Et déjà, à l'époque, on commençait à parler de forfaits à 25 heures, 50 heures, voire même 100 heures par mois pour seulement 40 ou 50 euros par mois !

Depuis, France Télécom a été privatisé, et Free, filiale d'Iliad, est arrivé sur le marché (en 2002). Les prix ont été cassés, les débits offerts se sont envolés, l'illimité et le Triple Play (voire le Quadruple Play en ce moment) sont devenus nécessaires pour garder ses clients. Au meilleur moment du changement, lorsque Free attirait de plus en plus de clients, France Télécom perdait 10 000 clients par semaine. Depuis, 38,23 millions de Français ont accès à Internet (71,3 % des plus de 11 ans), dont 34,28 millions en haut débit (89,1% des internautes).

Un article du journal 20 minutes datant de novembre 2005

La norme des abonnements Internet, spécifique à la France, est la suivante : 30 euros par mois pour le téléphone, Internet et la télévision illimités et en haut débit. Malgré quelques disparités territoriales subsistantes et les tentatives du gouvernement de diminuer les bénéfices des FAI (Fournisseurs d'Accès à Internet), les avantages des clients semblent acquis, en attente de l'arrivée de la fibre optique. Seulement, les FAI résisteront-ils à la tentation d'augmenter les prix de manière coordonnée ?

D'après le site owni.fr, des discussions seraient en cours pour mettre fin à cet âge d'or pour les clients de l'Internet illimité. A travers la Fédération Française des Télécom (FFT), les principaux FAI français seraient en train de s'entendre discrètement. Le document de la FFT, datant du 21 juillet dernier, serait ainsi « une réponse à la consultation menée par l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) sur la neutralité des réseaux ».

Depuis quelques années, la neutralité du Net est attaquée par certains géants de l'Internet. On peut ainsi citer le blocage de sites de syndicats, de vidéos, d'applications de VoIP (comme Skype), la mise en place de forfaits donnant le droit de consulter exclusivement certains sites (comme Facebook ou Twitter par exemple)... Et dans le cadre de la FFT, les principaux opérateurs français (Orange, SFR, Bouygues Telecom), à l'exception de Free et de Numéricable, semblent désormais vouloir différentier les débits selon l'usage d'Internet ou selon la consommation de bande passante de leurs clients.

La « gestion du trafic » est alors mise sur la table de l'entente cordiale entre les FAI. Ainsi, le document de travail de la FFT prévoit que « pour les applications et services dont les besoins sont moins déterminants, les opérateurs peuvent limiter les flux correspondants et ainsi améliorer l'expérience des consommateurs souhaitant accéder à d'autres types de services ». Pour faire discrètement passer la pilule auprès des clients, les « clauses d'usage raisonnable », déjà mises en place pour certains forfaits mobile, sont vantées : selon l'appréciation du FAI, votre débit peut ainsi diminuer, votre accès à Internet être coupé, parce que vous n'avez pas été « raisonnable ».

Concrètement, cette initiative peut se traduire par une différenciation des forfaits, avec une « segmentation des offres » encore plus importante. Ainsi, différents contrats peuvent être souscrits, et le client paie plus s'il veut utiliser plus de bande passante. L'objectif final est alors de limiter la consommation en bande passante des internautes et d'augmenter au passage les forfaits.

La justification des FAI est primaire : il faut « réduire autant que possible les situations de congestion des réseaux », « garantir la sécurité du réseau et des utilisateurs », assurer « la continuité de service pour l'ensemble des utilisateurs ». De nobles principes, donc, qui seraient assurés par « la réduction de débit au-delà d'un seuil de volume de données consommées », ceci pour « éviter une facturation excessive » imposée au client s'il n'est pas « raisonnable ». Adieu Megavideo, Youtube, Deezer, Twitter, Facebook, Bittorent, la télé sur Internet, vous consommez trop pour nous !

Un publicité pour Cégétel (depuis racheté par SFR) de 2005

A la manière du design retro très en vogue en ce moment, les offres Internet prendraient ainsi un sacré coup de vieux. Avec des forfaits calqués sur ceux pratiqués aux Etats-Unis par certains opérateurs, nous reviendrions en 1998, lorsqu'il fallait compter les minutes passées sur Internet et se mettre hors connexion pour lire ses mails, sinon ça coûtait trop cher. Au final, nous aurions moins d'Internet pour être sûr de ne pas en avoir moins. Logique imparable de la FFT.

Derrière ces raisons affichées se cache un problème plus économique. Alors que le marché de l'Internet a fini son expansion en France et qu'il est désormais difficile pour un FAI d'attirer de nouveaux clients, les opérateurs souhaitent augmenter leurs bénéfices en réduisant leurs investissements. Persuadés que le client ne réagira pas et continuera à payer, les FAI préfèrent ainsi les faire passer à la caisse, plutôt que d'investir dans de nouvelles infrastructures pour développer l'accès à Internet pour tous ou pour répandre le très haut débit avec la fibre optique.


Les politiques et associations de défense des consommateurs ont réagi. L'UFC-Que-Choisir a bien sûr dénoncé ces pratiques « inacceptable », soulignant que de nouvelles offres différentiées ne favoriseraient pas le client. Le gouvernement, par Eric Besson, ministre de l'Economie Numérique, a aussi réagi : « Le gouvernement n'envisage aucune restriction de l'accès à Internet et travaille bien au contraire au développement du très haut débit fixe et mobile sur l'ensemble du territoire et pour l'ensemble des Français ».

Le Parti Socialiste, par l'intermédiaire de son porte-parole Benoît Hamon, s'est aussi opposé à de tels changements.

« Il n'est pas question pour nous que nous acceptions une remise en cause de la neutralité de l'Internet notamment à travers l'accès qui pourrait être limité à un certain nombre de technologies ». La position du Parti Socialiste est donc claire : « C'est pour nous absolument inacceptable ».

Le Front National, par l'intermédiaire d'un communiqué de sa présidente Marine Le Pen, a également réagi : « L’accès à Internet peut être assimilé à un service public. Il n’est pas question d’en rendre le coût prohibitif ou d’en dégrader la qualité de service ».

2 commentaires:

  1. Sont-ce les seuls partis qui ont commenté cette annonce ?

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  2. Je n'ai trouvé aucune réaction pour EELV et pour le Front de Gauche, ni du côté de Jean-Louis Borloo, Dominique de Villepin ou François Bayrou. Mais si quelqu'un me les envoie, je les ajouterai !

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