dimanche 4 septembre 2011

L'exemple allemand en question

Après un récent article sur la dette et les déficits en France depuis 1983, intéressons-nous maintenant à l'exemple allemand. En effet, il est de bon ton aujourd'hui de vanter l'exemple allemand, et de se référer dans toutes les discussions économiques à un modèle germanique prédominant. Le gouvernement qui s'en approcherait serait vertueux, "bon élève", et serait alors compétent en finances publiques, tandis que celui qui s'en éloignerait serait irresponsable, et menacerait la France.
Nous allons donc étudier quelques affirmations, entendues ces derniers mois.


La crise financière

L'UMP le répète : grâce à Nicolas Sarkozy, la France a mieux résisté à la crise financière de 2008-2009 que l'Allemagne. Comparons alors la croissance des deux pays.


On remarque que la croissance de la France est restée supérieure à celle de l'Allemagne au plus fort de la crise : la récession a été moins profonde. Ainsi, en 2009, l'Allemagne avait une croissance de -4,669 %, tandis que la France ne subissait « que » un -2,546 %. Une différence de plus de deux points, donc, qui montre que la croissance française a mieux résisté. L'UMP a ici raison.

Cependant, la reprise amorcée dès 2010 a été plus faible en France qu'en Allemagne. Ainsi, en 2010, la croissance a été de 1,486 en France contre 3,504 % en Allemagne, et en 2011 de 1,784 % en France contre 2,092 % en Allemagne. Néanmoins, le FMI prévoit une baisse de la croissance en Allemagne ces prochaines années (pour atteindre 1,3 % en 2016), tandis que la croissance de la France devrait continuer d'augmenter (pour atteindre 2,1 % en 2016). Signalons toutefois que ces dernières prévisions du FMI ne tiennent pas compte de la crise de la dette de cet été et des perspectives de croissance, revues à la baisse, formulées ces dernières semaines.


Le gouvernement Schröder

Autre affirmation souvent entendue, l'Allemagne aurait bénéficié des réformes « courageuses » et parfois impopulaires du chancelier Gerhard Schröder pendant la coalition « rouge-verte » (SPD-Grünen), entre 1998 et 2005.

En regardant le graphique précédent de la croissance de l'Allemagne, on remarque que celle-ci s'est nettement redressée après le début des années 2000, période de faible croissance partout en Europe.  Ainsi, dès l'année 2003, la croissance allemande repart à la hausse, et dès 2006, elle dépasse celle de la France, pour la première fois depuis plus de dix ans.
Cette tendance est encore plus significative quand on regarde l'évolution des déficits publics pendant la même période.


A partir de 2005, les déficits publics reviennent à des niveaux acceptables (-3,393 % en 2005, -1,596 % en 2006) pour s'annuler avant la crise financière de 2009. Ainsi, en 2007 (+0,261 %) et 2008 (+0,114 %), l'Allemagne est même en bénéfice net.


Le gouvernement Villepin

Dominique de Villepin, pour fêter son retour médiatique après un long procès Clearstream en appel et de longues vacances entrecoupées de négociations diplomatiques secrètes, répète partout que si la France a décroché par rapport à l'Allemagne, c'est uniquement de la faute de Nicolas Sarkozy.


Les deux graphiques précédents montrent que le gouvernement Villepin (2005-2007) a su maintenir une croissance honorable (au-dessus de 2 %) et des déficits publics relativement modestes.

Cependant, le graphique du poids de la dette montre clairement que l'écart entre les politiques française et allemande se fait sentir dès 2006. Ainsi, en 2007, l'Allemagne est en excédent budgétaire de +0,261 ù pendant que la France traine encore un déficit public de -2,732 %. En 2007, la France et l'Allemagne ne sont pas dans la même situation : le poids de la dette française est plus élevée, et en hausse, que celle de l'Allemagne.


Le gouvernement de Dominique de Villepin n'a donc pas laissé une France en parfait état, même si ses partisans diront qu'elle était sur la voie du redressement. L'analyse de l'ancien Premier Ministre de Jacques Chirac, entendue dernièrement sur France Inter, est en fait plus juste dans son ensemble : la situation de la France était bien meilleure en 2007, mais des efforts importants auraient encore dû être faits.


La politique de Nicolas Sarkozy

Au final, ce serait donc la politique budgétaire des gouvernements Fillon, sous Nicolas Sarkozy, qui auraient participé à la dérive de la France par rapport à notre voisin allemand. Le graphique de la dette nette de la France confirme cet avis : à partir de 2007, la dette nette de la France explose, et finit même par dépasser celle de l'Allemagne, en 2010.


Les prévisions du FMI pour les déficits publics de l'Allemagne et de la France le confirment : en 2015, l'Allemagne devrait stabiliser son déficit à -0.05 %, contre -2,2 % pour la France (prévisions établies avant la crise de cet été). La politique budgétaire de Nicolas Sarkozy a donc clairement été moins bonne que celle de l'Allemagne en temps de crise.


Notes : vous pouvez retrouver le document du FMI ici. Les graphiques sont de ma conception. 1 G€ = 1 milliard d'euros. 1 T€ = 1 000 milliards d'euros.