Lors de son passage remarqué lors de l'émission Des paroles et des actes de jeudi dernier, Jean-Luc Mélenchon s'est targué de faire de la politique par l'humour. Il s'est justifié en affirmant avoir changé sa stratégie de communication, désormais plus conciliante et plus sympathique aux yeux des Français.
Cette nouvelle démarche du candidat du Front de gauche contraste heureusement avec l'austérité, dans les paroles et dans les actes, des principaux autres candidats. Entre un Nicolas Sarkozy qui se veut alarmiste et un François Hollande qui cherche à devenir « présidentiable », l'humour de Jean-Luc Mélenchon fait rejaillir sa sincérité.
Cependant, cette nouvelle approche de la politique est dangereuse. Deux phénomènes distincts doivent être analysés : l'humour et le bon mot. Pour cela, étudions les cas de cinq hommes politiques notables : Nicolas Sarkozy, François Hollande, Dominique de Villepin, Jean-Marie Le Pen, et enfin Jean-Luc Mélenchon.
Nicolas Sarkozy : le président décontracté
Cet humour constant a eu une conséquence notoire, dues à la position présidentielle de Nicolas Sarkozy. Le différentiel entre les responsabilités de l'homme et son attitude rapportée par les médias a porté préjudice à sa stature présidentielle. Comment un homme, en charge des malheurs des français (chômage, dette...), pourrait-il se permettre de blaguer sur des conflits politiciens ?
François Hollande : le piquant
Depuis son arrivée à Solferino il y a près de quinze ans, François Hollande est connu comme un bon vivant toujours prêt à plaisanter sur ses adversaires politiques. Cependant, depuis qu'il aspire à devenir le futur président de la République française, le candidat du Parti Socialiste a raréfié ses bons mots. Depuis le début 2011, ses interventions se font plus rares, plus sérieuses.
Néanmoins, certains traits d'esprit filtrent encore : l'histoire du « sale mec » est un exemple. Deux conséquences peuvent alors apparaitre : soit le candidat adverse est discrédité si le bon mot est bien utilisé, soit le retour est négatif du fait d'une communication trop rare du candidat au bon mot.
Pour François Hollande, ce second point risque de primer sur le premier : dans l'inconscient collectif, des tentatives d'humour ponctuel de la part du socialiste se traduiront par une perte de crédibilité. Comment prôner l'austérité de gauche à la télévision tout en lançant des piques à ses adversaires lors de meetings ou de conversations avec des journalistes ?
Dominique de Villepin : l'habitude
Pour Dominique de Villepin, l'usage de bons mots est malheureusement trop fréquent, de même que ses interventions médiatiques. Depuis 2010, l'ancien président de République Solidaire multiplie les sorties sur ses adversaires politiques (que ce soit Nicolas Sarkozy et son croc de boucher, François Fillon et son labrador, Nathalie Arthaud et sa révolution...).
Depuis deux ans, Dominique de Villepin s'est installé dans l'univers médiatique français, sans pour autant gagner ce qu'il espérait sans doute : la visibilité de sa candidature et l'amusement des électeurs. Au contraire, un certain discrédit s'est abattu sur sa campagne : il n'est parfois plus perçu que comme un opportuniste essayant vainement de se faire une place au soleil des JT de 20h.
Jean-Marie Le Pen : la manie du verbe
L'ancien homme du 21 avril a une qualité que tous lui reconnaissent : il sait manier la langue française. Ses détracteurs admettent ainsi que ses discours ne manquent parfois pas de charme, sur la forme. Jean-Marie Le Pen a cette qualité de savoir distiller ses bons mots sur les hommes politiques français avec saveur et parcimonie.
L'effet sur les électeurs français ne se traduit pas à cause du fond de ses discours, mais certains électeurs aujourd'hui tentés par l'extrême-droite regrettent que la « modérée » Marine n'ait pas son verbe et sa fougue. Les bons mots du père deviennent au final le prétexte du vote pour la fille.
Précisons néanmoins que les plaisanteries du désormais président d'honneur du Front National baissent sérieusement en qualité. Avec ses comparaisons de Nicolas Sarkozy à Pinocchio, et sa sortie sur les arabo-musulmans allant violer le président de la République sur les Champs-Elysées, Jean-Marie Le Pen m'a beaucoup déçu, sachez-le.
Et dans tout ça, Jean-Luc Mélenchon ?
Après une période d'insultes copieuses envers les journalistes, les patrons, les banquiers, les riches, le gouvernement, la droite et la gauche, Jean-Luc Mélenchon s'est calmé. Finies les invectives publiques chez Europe 1, finies les prises à parti d'étudiants journalistes dans des manifestations ! Chez Jean-Luc, le changement, c'est maintenant.
Sur le court-terme, la différence de stratégie peut se faire sentir. On est ici en présence d'un nouveau personnage plus sympathique, plus rassurant, plus proche de ce que les français veulent entendre pour garder le moral. La conséquence directe est un marquage des esprits et une redécouverte du candidat par les électeurs.
Cependant, le risque réside dans la capacité du candidat à faire passer son message et ses idées. Les électeurs ne pourraient retenir que le sens de l'humour du candidat, et non le contenu de ses interventions. A la longue, la fameuse posture présidentielle de l'homme peut être sérieusement impactée. Comment rester crédible en économie lorsqu'on compare le célèbre « AAA » français à un label pour andouillettes ?
L'humour en politique est une science. Ceux qui s'y risquent comprennent souvent assez vite que leur démarche doit être corrigée, sous peine de perdre en crédibilité et en présidentiabilité. Au contraire, se garder de toute plaisanterie rend l'homme politique froid, distant, voire cynique. Comment trouver le juste milieu ?
En 2008, alors qu'Hillary Clinton voyait sa défaite aux primaires démocrates arriver, elle avait pleuré en public. Sa côte de popularité était immédiatement montée en flèche. L'humanité des candidats est parfois plus efficace à mettre en avant qu'une communication rodée.