mardi 17 janvier 2012

L'humour et le bon mot en politique

Lors de son passage remarqué lors de l'émission Des paroles et des actes de jeudi dernier, Jean-Luc Mélenchon s'est targué de faire de la politique par l'humour. Il s'est justifié en affirmant avoir changé sa stratégie de communication, désormais plus conciliante et plus sympathique aux yeux des Français.

Cette nouvelle démarche du candidat du Front de gauche contraste heureusement avec l'austérité, dans les paroles et dans les actes, des principaux autres candidats. Entre un Nicolas Sarkozy qui se veut alarmiste et un François Hollande qui cherche à devenir « présidentiable », l'humour de Jean-Luc Mélenchon fait rejaillir sa sincérité.

Cependant, cette nouvelle approche de la politique est dangereuse. Deux phénomènes distincts doivent être analysés : l'humour et le bon mot. Pour cela, étudions les cas de cinq hommes politiques notables : Nicolas Sarkozy, François Hollande, Dominique de Villepin, Jean-Marie Le Pen, et enfin Jean-Luc Mélenchon.


Nicolas Sarkozy : le président décontracté

Avant son dernier remaniement de communication, Nicolas Sarkozy aimait plaisanter. Jusqu'en 2010, il se disait ainsi « DRH du Parti Socialiste », se moquait de ses adversaires, et n'hésitait pas à éviter des questions de journalistes par l'humour.

Cet humour constant a eu une conséquence notoire, dues à la position présidentielle de Nicolas Sarkozy. Le différentiel entre les responsabilités de l'homme et son attitude rapportée par les médias a porté préjudice à sa stature présidentielle. Comment un homme, en charge des malheurs des français (chômage, dette...), pourrait-il se permettre de blaguer sur des conflits politiciens ?


François Hollande : le piquant

Depuis son arrivée à Solferino il y a près de quinze ans, François Hollande est connu comme un bon vivant toujours prêt à plaisanter sur ses adversaires politiques. Cependant, depuis qu'il aspire à devenir le futur président de la République française, le candidat du Parti Socialiste a raréfié ses bons mots. Depuis le début 2011, ses interventions se font plus rares, plus sérieuses.

Néanmoins, certains traits d'esprit filtrent encore : l'histoire du « sale mec » est un exemple. Deux conséquences peuvent alors apparaitre : soit le candidat adverse est discrédité si le bon mot est bien utilisé, soit le retour est négatif du fait d'une communication trop rare du candidat au bon mot.

Pour François Hollande, ce second point risque de primer sur le premier : dans l'inconscient collectif, des tentatives d'humour ponctuel de la part du socialiste se traduiront par une perte de crédibilité. Comment prôner l'austérité de gauche à la télévision tout en lançant des piques à ses adversaires lors de meetings ou de conversations avec des journalistes ?


Dominique de Villepin : l'habitude

Pour Dominique de Villepin, l'usage de bons mots est malheureusement trop fréquent, de même que ses interventions médiatiques. Depuis 2010, l'ancien président de République Solidaire multiplie les sorties sur ses adversaires politiques (que ce soit Nicolas Sarkozy et son croc de boucher, François Fillon et son labrador, Nathalie Arthaud et sa révolution...).

Depuis deux ans, Dominique de Villepin s'est installé dans l'univers médiatique français, sans pour autant gagner ce qu'il espérait sans doute : la visibilité de sa candidature et l'amusement des électeurs. Au contraire, un certain discrédit s'est abattu sur sa campagne : il n'est parfois plus perçu que comme un opportuniste essayant vainement de se faire une place au soleil des JT de 20h.


Jean-Marie Le Pen : la manie du verbe

L'ancien homme du 21 avril a une qualité que tous lui reconnaissent : il sait manier la langue française. Ses détracteurs admettent ainsi que ses discours ne manquent parfois pas de charme, sur la forme. Jean-Marie Le Pen a cette qualité de savoir distiller ses bons mots sur les hommes politiques français avec saveur et parcimonie.

L'effet sur les électeurs français ne se traduit pas à cause du fond de ses discours, mais certains électeurs aujourd'hui tentés par l'extrême-droite regrettent que la « modérée » Marine n'ait pas son verbe et sa fougue. Les bons mots du père deviennent au final le prétexte du vote pour la fille.

Précisons néanmoins que les plaisanteries du désormais président d'honneur du Front National baissent sérieusement en qualité. Avec ses comparaisons de Nicolas Sarkozy à Pinocchio, et sa sortie sur les arabo-musulmans allant violer le président de la République sur les Champs-Elysées, Jean-Marie Le Pen m'a beaucoup déçu, sachez-le.


Et dans tout ça, Jean-Luc Mélenchon ?

Après une période d'insultes copieuses envers les journalistes, les patrons, les banquiers, les riches, le gouvernement, la droite et la gauche, Jean-Luc Mélenchon s'est calmé. Finies les invectives publiques chez Europe 1, finies les prises à parti d'étudiants journalistes dans des manifestations ! Chez Jean-Luc, le changement, c'est maintenant.

Sur le court-terme, la différence de stratégie peut se faire sentir. On est ici en présence d'un nouveau personnage plus sympathique, plus rassurant, plus proche de ce que les français veulent entendre pour garder le moral. La conséquence directe est un marquage des esprits et une redécouverte du candidat par les électeurs.

Cependant, le risque réside dans la capacité du candidat à faire passer son message et ses idées. Les électeurs ne pourraient retenir que le sens de l'humour du candidat, et non le contenu de ses interventions. A la longue, la fameuse posture présidentielle de l'homme peut être sérieusement impactée. Comment rester crédible en économie lorsqu'on compare le célèbre « AAA » français à un label pour andouillettes ?

L'humour en politique est une science. Ceux qui s'y risquent comprennent souvent assez vite que leur démarche doit être corrigée, sous peine de perdre en crédibilité et en présidentiabilité. Au contraire, se garder de toute plaisanterie rend l'homme politique froid, distant, voire cynique. Comment trouver le juste milieu ?

En 2008, alors qu'Hillary Clinton voyait sa défaite aux primaires démocrates arriver, elle avait pleuré en public. Sa côte de popularité était immédiatement montée en flèche. L'humanité des candidats est parfois plus efficace à mettre en avant qu'une communication rodée.

lundi 16 janvier 2012

EELV a-t-il encore une raison d'exister ?

Vendredi 13 janvier, l'eurodéputé  Daniel Cohn-Bendit a déclaré : « pour moi, c'est François Hollande ». Fin de séquence pour Eva Joly, ou décision attendue ?


En 2009 et 2010, Europe Ecologie et Les Verts s'associent, pour les scrutins européens et régionaux. Deux élections où la parole des écologistes a une raison d'être entendue : l'Europe, avec ses règlements environnementaux, et les régions, avec ses transports, sont des thématiques naturelles des Verts.
Le 13 novembre 2010, le parti EELV (pour Europe Ecologie Les Verts) est créé. Surfant sur l'illusion des derniers scores conjoncturellement élevés, l'ambition proclamée est de faire jeu égal avec le Parti Socialiste. Des négociations contraignantes sont alors lancées.

Depuis, la situation a évolué. Les élections cantonales ont stoppé l'avancée d'EELV dans les urnes. La primaire socialiste s'est terminée, et avec elle son lot de promesses écologistes. L'accord législatif avec le PS s'est conclu dans le sang et les larmes. Enfin, les divisions internes, déjà marquées lors de la primaire écologiste par le départ de Nicolas Hulot, se sont ravivées : Yannick Jadot, porte-parole d'Eva Joly, a même démissionné le 23 novembre dernier.


Aujourd'hui, dans quel état se trouve la campagne d'Eva Joly ? La morosité domine. Les intentions de vote continuent de diminuer. Les cadres du parti réfléchissent à un retrait de la course à la présidentielle de leur « championne ». Eva Joly continue de proposer des idées étranges (comme deux nouveaux jours fériés). Surtout, l'écologie a disparu des thématiques de campagne, au profit de considérations sociales proches des revendications d'extrême-gauche.

Dans ce cadre, EELV doit-il encore présenter une candidate pour le 22 avril prochain ? Je ne le crois pas. Pour éviter un échec électoral, pour tenter de préserver son accord électoral avec le PS, et pour garder un budget à l'équilibre, Eva Joly pourrait se retirer.

Dès lors, les Verts pourraient jouer leur rôle premier qu'ils n'auraient jamais dû dépasser : celui d'agitateur d'idées. Maintenant que l'écologie est intégrée dans les programmes de tous les partis politiques, EELV ne doit pas s'enfermer dans le sectarisme de propositions poussées à l'extrême, ni s'exclure d'accord électoraux à l'amiable avec d'autres partis de gauche.

L'écologie politique doit-elle exister ? Je ne le crois plus. La seule écologie encore utile, qui porte ses fruits et qui peut réellement changer certaines situations intolérables est l'écologie militante, associative. Qu'a fait EELV pour l'écologie en trois ans ? Rien. Qu'ont fait des associations comme Greenpeace ? Ils contraignent chaque jour les gouvernements et les industries à adopter des conduites plus respectueuses de l'environnement.

Passons-nous d'EELV. Les idées apportées sont négligeables, et le succès de leurs thématiques est de toute façon assuré par les autres candidats. La priorité aujourd'hui n'est pas la défense des ours blancs du zoo de Vincennes, mais la protection des citoyens français face aux conséquences de la crise économique.

La démocratie supportera la fin d'EELV : Jean-Luc Mélenchon assure déjà la relève des idées. Nos finances publiques n'y trouveront rien à redire : EELV a bénéficié de 1,7 millions d'euros de subventions publiques en 2010.

dimanche 15 janvier 2012

François Bayrou, c'est le vote utile !

En ces temps de précampagne présidentielle, chaque candidat se cherche une place. Nicolas Sarkozy est le président « courageux », François Hollande serait le candidat « juste ». François Bayrou sera le troisième homme de cette élection.

Quand je m'interroge sur l'image que j'attribue au président du Mouvement Démocrate (MoDem), je vois une certitude. Depuis toujours, je trouve les idées intéressantes, au contraire de l'homme. François Bayrou ne déclenche clairement aucune passion chez moi.

Prenons l'exemple de la campagne présidentielle de 2007. A cette époque, François Bayrou avait raison sur la dette et les déficits français. Néanmoins, sa campagne souffrait de sa personnalité, illustrée à merveille dans le choix de ses clips officiels de campagne.



Pourtant, François Bayrou incarne un espoir : l'alternative. Loin des promesses socialistes de changements, un centriste représente la promesse d'une alternative à l'opposition traditionnelle entre gauche et droite. Mieux : François Bayrou représente ici le meilleur candidat du deuxième tour.
 
 
Projetez-vous au 6 mai prochain, dans l'isoloir. Pour qui voteriez-vous entre Nicolas Sarkozy et François Hollande ? Je ne saurais pas répondre pour moi-même. Entre l'UMP et le MoDem, ou entre le MoDem et le PS ? Là, par contre, je choisis le MoDem. Au final, François Bayrou l'emporte.


D'ici-là, il fait éviter le 21 avril « traditionnel » dont on ne parle pas toujours : l'éternel choix PS versus UMP. La présence d'un candidat alternatif et consensuel au second tour est un bon compromis pour éviter de devoir désigner le candidat le moins pire.

La candidature de François Bayrou peut l'emporter. Une des solutions serait donc de faciliter son accession au second tour. Le vote utile, le vote stratégique, ce serait donc François Bayrou, dès le 22 avril.