lundi 28 mars 2011

UMP : recentrer le débat ou se disperser ?

A la lumière des résultats de ces élections cantonales et après une soirée de commentaires et d'analyses politiques sur BFM TV, j'ai presque été convaincu que l'échec du Front National à gagner des cantons reflète le rejet de l'extrême droite par les français et la défaite du couple Sarkozy-Copé dans leur volonté de chasser sur les terres du FN. Presque.

Certes, le Front National n'a que deux élus. Mais n'oublions pas qu'il fait de très bons scores dans les cantons où il s'est maintenu, arrivant même à progresser en récupérant des voix. Dans de nombreux cantons, ce sont les derniers pourcents qui lui ont manqué pour réaliser son objectif de dix conseillers généraux.

L'échec n'est donc qu'apparent, puisqu'un plus grand nombre d'électeurs ont voté pour lui. Seulement, il a manqué de réussite, et je suis assez d'accord avec une des analyses proposées : une barrière morale est encore dressée autour du FN, empêchant à certains électeurs de voter pour cet extrême. Dans l'avenir, autrement dit l'élection présidentielle de 2012, cette digue pourrait tomber, et une victoire de Marine le Pen au second tour serait alors envisageable.

D'autre part, ces élections cantonales ont aussi montré la réélection éclatante de certains candidats parmi les plus à droite de l'UMP, se distinguant par leurs positions nationales sur des thèmes proches de l'extrême droite. Ainsi à Nice, alors que des victoires du FN avaient été craintes, ce sont des candidats comme Éric Ciotti qui ont été élus dès le premier tour avec près de 70% des suffrages.
L'UMP doit se ressaisir : depuis quatre ans, en quatre élections, elle n'en a gagnée qu'une seule, lorsque le PS s'autodétruisait. Le gouvernement a tenté de récupérer les voix du FN avec des discours droitisés, mais ça a échoué. Deux explications possibles : soit les français préfèrent l'original à la copie, soit il faut attendre que cette politique porte ses fruits.

Attendre, ou miser sur des divisions internes du PS ou de la gauche, est trop dangereux pour l'UMP, et certains en son sein l'ont bien compris. Contre l'avis du président de la République, des voix commencent donc à s'élever : hier Dominique de Villepin, aujourd'hui Jean-Louis Borloo, ou, à une moindre échelle, François Fillon et Alain Juppé. On assiste alors à une division de l'UMP, entre la tendance centriste et la tendance populaire.

Quatre années de présidence Sarkozy ont fragmenté la droite et brouillé le message du parti majoritaire. Les militants sont invisibles et, d'après Frédéric Lefebvre, leur nombre diminue à cause du nombre important de décès des adhérents. En cause, leur moyenne d'âge : 68 ans. Les candidats de droite aux cantonales rechignent à ajouter l'étiquette UMP,  et le candidat Sarkozy ne cesse de baisser dans les sondages.

La principale cause est l'incompréhension d'une partie du « peuple de droite », plus sur la forme que sur le fond, je pense. Même si les réformes fiscales du début de quinquennat ont surement déplu aux classes moyennes et populaires, le grenelle de l'environnement, la réforme des retraites, les lois sécuritaires ont sans doute envoyé des signaux positifs à l'électorat de droite.

Seulement, les conflits d'intérêt des affaires Woerth et Bettencourt, l'abus de privilèges de certains ministres facturant aux contribuables des voyages en avions ou autres cigares, les vacances de luxe sur des yachts de milliardaires ou chez des proches de dictateurs ont montré aux français la corruption généralisée d'une caste de privilégiés de la République. L'UMP et le gouvernement doivent donc se ressaisir.

Au menu préconisé par votre serviteur : la fin des privilèges ministériels, des conflits d'intérêt, des soumissions à des lobbies, de la tentation du clientélisme électoral, des attaques systématiques contre la gauche et du rapprochement du Front National. Il reste un an pour mettre en œuvre une ambitieuse réforme fiscale, repenser la dépendance, rétablir l'image de la France dans le monde, sauver les agriculteurs et assurer l'emploi de tous. La majorité ne doit pas se contenter de demi-réformes qui la discréditeraient aux yeux de l'opinion.

Pour mener à bien ces chantiers, l'UMP doit se regrouper et recentrer son message et son action politique. Et si elle veut gagner les prochaines élections, elle doit être incarnée par un autre homme, Nicolas Sarkozy étant, à mon avis, durablement discrédité. D'autres voix dans la majorité peuvent permettre le rassemblement pour porter un projet fort.

Dominique de Villepin est peut-être le meilleur candidat pour la droite : il est connu des français, apprécié du centre, consensuel, il jouit d'une aura internationale, n'est pas détaché de la majorité, incarnerait un véritable changement, et sa candidature est déjà lancée. Resterait alors aux militants de l'UMP et à ses dirigeants de tendre vers une candidature unique à droite en 2012, en se réunissant autour de Dominique de Villepin. Il faudrait qu'un certain nombre de ténors de la majorité l'acceptent sans avoir l'air de revenir sur leur soutien au Président. Mais comme dirait ce dernier : « ensemble, tout devient possible ».

dimanche 27 mars 2011

Rencontre fortuite

Hier midi, dans la rue, je me suis fait aborder par un homme d'une trentaine d'années, se revendiquant militant communiste, de Lutte Ouvrière. Alors même que j'étais pressé pour manger, j'ai décidé d'accepter la conversation, qui aura finalement duré plus de 45 minutes.

Pendant tout ce temps, nous avons parlé de nombreux sujets très intéressants, allant de la possibilité - ou non - d'une révolution en France à la TVA à 5,5% sur la restauration, en passant par les valeurs de la gauche, l'application du marxisme dans notre société, ou encore du rapport entre les prix et les salaires.

Je ne partage pas toujours les idées des militants d'extrême gauche. Comme je lui ai dit d'entrée, je partage certaines idées de gauches, d'autres de droite, mais sans vraiment me prononcer pour un choix électoral clair. Et malgré mes divergences de vue avec cet homme, nous avons pu débattre sereinement, calmement, de manière totalement constructive et sans a priori sur des sujets parfois pointus.

Ce n'est pas le premier militant d'extrême gauche qui m'aborde dans la rue et avec qui je parle. Mais puisque j'en ai l'occasion, je tiens à féliciter ces personnes qui font de la politique sur le terrain et peuvent permettre aux citoyens de s'intéresser un peu plus à un domaine jugé souvent compliqué et réservé aux initiés. Par leur présence et par leurs discussions, ils contribuent à leur manière à la lutte contre l'abstention, qui sera encore trop importante aujourd'hui.

Cette rencontre m'amène à souligner la perception qu'ont de nombreuses personnes de la politique. Je ne prétends pas analyser la population, mais je constate un désintéressement profond des citoyens pour la politique menée, pour leurs élus, pour les propositions des différents partis et personnalités. Prenons un exemple, mes propres amis : ils se distinguent en trois camps :
  • 1er camp : ceux qui ne connaissent même pas le nom du premier ministre : ils n'y connaissent absolument rien, ne cherchent pas à en savoir plus, et utilisent ce prétexte pour ne jamais voter
  • 2ème camp : ceux qui ont quelques idées et s'y connaissent un peu : c'est difficile de tenir une conversation entière sur de la politique, mais ils ont de la répartie et peuvent aller voter si on les motive suffisamment
  • 3ème camp : ceux qui regardent toutes les émissions politiques possibles et qui sont les premiers à aller au bureau de vote : à part moi, je ne vois personne.
J'ai surtout parlé ici d'aller voter, mais il y a aussi d'autres conséquences différentes selon le camp en question. Par exemple, plus vous êtes proches de l'état zéro, plus vous êtes influencés par les clichés habituels : l'extrême gauche voudrait rétablir l'URSS, la gauche dépenserait tout l'argent qu'elle a pour les pauvres, la droite le dépenserait pour les riches, tandis que l'extrême droite en gagnerait en expulsant les étrangers.

Et cette ignorance conduit à de faux jugements, et à des votes plus conduits par la conviction qu'il faut aller voter que par celle des idées. On voit alors monter les extrêmes et l'abstention, et personne ne comprend les véritables raisons : si tant de gens votent pour l'extrême droite ou ne votent pas, c'est tout simplement qu'ils se fichent de la politique et qu'ils ont entendu dans le métro une conversation parlant de Marine Le Pen.

Pour preuve, allez dans un bureau de vote et demandez à la sortie le nom des candidats aux cantonales dans le canton de l'électeur que vous croiserez peut-être : s'il en connait un, estimez-vous heureux. Et s’il connait le programme des candidats, vous pouvez même laisser éclater votre joie.

Pour gagner en légitimité et pour faire barrage à l'extrême droite, les autres tendances politiques devraient commencer par intéresser les français. Pour cela, du concret, des résultats, et la fin des divisions ou des petites phrases, et des affaires judiciaires : à Marseille, la gauche a perdu la moitié de ses électeurs, et je m'étonne que Martine Aubry n'ait toujours pas réagi en excluant du PS les personnes mêlées aux affaires judiciaires.

Pour l'extrême droite, même combat : si elle est convaincue de la pertinence de ses idées, elle doit mobiliser son électorat et conquérir celui des autres, pour gagner en légitimité et en influence. Sinon, les autres formations politiques auront beau jeu de lui rappeler la baisse du nombre de ses électeurs ou le taux d'abstention pour minimiser ses résultats.

Néanmoins, même l’électeur le plus motivé pour aller voter peut se retrouver dans l’isoloir devant deux bulletins qui ne correspondent pas du tout à ses idées politiques : lequel peut-il mettre dans l’enveloppe ? Le plus simple est surement le vote blanc, ou nul, qui permettrait aux électeurs de manifester le manque de choix. Mais le vote blanc pose aujourd’hui deux problèmes.

Le premier, c’est qu’il n’est plus reconnu officiellement : qu’il y ait 1% ou 10% de votes blancs ne changera rien aux résultats du scrutin et ne sera pas annoncé. Tout est fait pour que le vote blanc ne serve strictement à rien aujourd’hui.

Le deuxième problème est l’absence de médiatisation de cette pratique : à part quelques personnalités comme François Bayrou ou Nicolas Dupont-Aignan qui appellent à une reconnaissance du vote blanc, aucun journaliste n’en parle, et les médias préfèrent mettre l’accent sur les taux d’abstention, qui sont disséqués pour leur donner le sens voulu, plutôt que de se pencher sur le nombre de suffrages non exprimés, qui traduit une réalité assez claire : lorsque 5% des électeurs votent blancs, c’est que 5% des électeurs ne sont pas satisfaits du choix proposé.

Pour finir, une consigne : si vous le pouvez, allez voter !

mardi 22 mars 2011

Douanes : vers un renforcement des contrôles ?

« Il faut sortir de l'euro qui nous appauvrit ! »

Ce slogan, de plus en plus souvent entonné par les partis des extrêmes, montre la progression du rejet d'une Europe trop libérale symbolisée par les contraintes de la monnaie unique. Aux yeux de ses adhérents, le passage du franc à l'euro est responsable d'une grande partie des problèmes financiers français : chômage, dette, baisse du pouvoir d'achat, augmentation des prix, déficit de la balance commerciale...

Certains proposent d'abandonner l'euro ? Je propose le contraire : rendre la zone euro forte et viable financièrement. Aujourd'hui, le constat est clair : l’Europe occidentale est en panne, embourbée dans des déficits élevés, un chômage important et une baisse de sa compétitivité. Face à l'Union Européenne, les BRIC : Brésil, Russie, Inde, et surtout Chine, qui constituent les principaux pays plus qu'émergents. Ils ont réussi à se développer avec des taux de croissance à deux chiffres grâce à l'ouverture des douanes occidentales, symbole de la mondialisation frénétique. L'OMC aidant, les droits de douane ont disparu, et n'importe quelle marchandise peut désormais être fabriquée à l'autre bout de la planète pour un moindre coût.

Cette mondialisation facile a eu de nombreux effets négatifs en France, parmi lesquels des délocalisations massives entrainant un chômage de masse, une diminution de la qualité des produits et des normes de sécurité, la montée en puissance de la contrefaçon, et des dégâts écologiques considérables.

Produire en Chine une énorme partie de ce qu'on consomme et le vendre en France est à mon avis aberrant. Pourquoi ne pas produire en France, ou au moins dans l'Union Européenne ? Pour des raisons de coût ? Parce que vous croyez qu'un T-shirt fabrique en Chine et vendu 40 € en France mérite son prix, et qu'on ne pourrait pas le produire pour bien moins cher en France ?

Dans cette montée en puissance des importations, en grande partie chinoises (la Chine étant devenue le premier exportateur mondial il y a quelques mois), la France a tout à y perdre. Certains diront que cette mondialisation profite aussi aux entreprises françaises, mais les règles du jeu sont faussées, et la Chine est assez bien organisée pour reproduire à grande échelle les technologies importées, en laissant sur le bord de la route leurs anciens partenaires. Sans parler des frais administratifs, des contraintes sociales, des difficultés d'obtenir un visa, des affaires d'espionnage. Au final, 25% des entreprises françaises qui s'installent en Chine partent dans la première année.
Pour faire face à ce phénomène de délocalisation des emplois, de la production et des technologies, je suis favorable au retour des frais de douane, à l'entrée de l'Union Européenne, et si les autres États membres refusent, aux frontières françaises. Ce retour du protectionnisme aurait plusieurs avantages.

Le premier, je l'ai déjà évoqué, serait d'encourager le retour de l'emploi en Europe, et a fortiori en France. Chacun comprendra ici la logique de cet argument.

Le deuxième avantage serait un meilleur contrôle des marchandises entrant sur le territoire. Aujourd'hui, pour faire entrer des produits non totalement conformes aux normes de sécurité, il suffit de les faire transiter par des pays laxistes sur les importations, à l'image de la Grèce. Une fois rentrés dans le circuit européen, les contrôles sont extrêmement rares. Un renforcement des douanes permettrait donc de meilleurs contrôles, et par là-même de lutter contre les trafics de contrefaçons ou de drogue.

Le troisième avantage serait financier : qui dit renforcement des droits de douanes dit nouvelles recettes dans les caisses de l'État. Si seule la France impose ces taxes à sa frontière, elle pourrait utiliser cet argent pour réduire sa dette et aider la production nationale. Si l'UE les met en place, il faudrait que les recettes aillent dans les caisses de l'Union, pour éviter les différences de taux entre les pays. Les fonds ainsi récoltés pourraient alors permettre d’alléger les cotisations des États membres, par exemple.

Certains diront que cette mesure pénaliserait le consommateur dans la mesure où la France ne peut pas produire tout ce dont elle a besoin sur son territoire. Je leur répondrais que nos DOM le peuvent et le font déjà en partie. Et que pour le reste, il ne serait pas plus absurde de payer plus cher pour ce qu'on pourrait ne pas avoir.

En bonus, un dernier argument pour les écologistes : produire moins loin demande moins de ressources pour l'approvisionnement. Acheter des légumes « bio » importes du Chili par avion m'a toujours paru être une absurdité de raisonnement.

lundi 21 mars 2011

Démocratie française : l'esprit de République peut-il justifier l'ostracisme des indésirables ?

Les récents sondages de Harris Interactive ont fait ressurgir le spectre d'un 21 avril, avec une forte montée de Marine Le Pen. Selon les spécialistes de statistiques redressées, le Front National persuade de plus en plus de français, et on risque de le voir dans les futures élections. Face à cette tendance, comment réagir : rejet de l'extrême droite ou ménagement de ses candidats ?

Un premier constat s'impose : la fille est perçue comme plus fréquentable que son père : par une partie des français, des électeurs de droite qui pourraient voter pour elle, et des médias qui l'invitent presque tous les jours. Ce constat est étrange à première vue, puisque les idées du FN n'ont pas changé depuis 30 ans, à en croire les cadres du parti et leur site officiel.

Cependant, Marine Le Pen n'a plus la même façon de parler, et elle a visiblement souhaité ne pas commettre les mêmes erreurs que son père. Ainsi, elle ne tient pas de propos négationnistes, ne fait plus d'amalgame entre islam et islamisme, parle de social, de justice et de laïcité. Encore récemment, elle déclarait que la Shoah est le « summum de la barbarie » pour mieux se démarquer de certaines tendances du parti qu’elle préside.

Aujourd'hui, tous les débats politiques s'attachent sa présence : BFM TV pour débattre contre Mélenchon, iTélé, France 2, LCI... Le discours séduit, et fait monter les audiences. Et la ménagère de droite de moins de cinquante ans finit par se laisser persuader que le Front National n'est pas extrême.
Pour répondre à la montée de ce qu'il faut encore appeler l’extrémisme, la stratégie longtemps utilisée a été la diabolisation, la mise au ban de la société et le front républicain. Mais depuis le 21 avril 2002, les stratégies deviennent incohérentes et des divergences apparaissent à gauche comme à droite. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon accepte de débattre face à Le Pen quand l'UMP se prononce contre la formation d'un arc républicain, alors même qu’une partie de la gauche appelle à voter pour des candidats de droite pour faire barrage au FN.

Tentons d'y voir plus clair. La plupart des personnalités politiques n'ont pas compris qu'un cap avait été franchi, et qu'elles ne pourraient freiner la montée du FN qu'en combattant sur deux fronts : la proposition et la dénonciation.

Les extrêmes se nourrissent souvent de l'immobilisme des partis de gouvernement et du pessimisme français. De plus en plus, si la vie des gens ne s'améliore pas, ce serait la faute du « tous pourris ». Quand on voit les retournements de vestes des politiques, les promesses non tenues et les actions parfois plus dictées par les lobbies et les intérêts particuliers que par le sens de la nation, on comprend la grogne des ignorants, et même celle des autres. Pour cela, les politiques se doivent de proposer des solutions réelles et des alternatives réalistes, en corrigeant dès maintenant la vision populaire de la politique. Être fidèle à ses engagements devrait déjà être un premier pas.

Je pense que Cécile Duflot a raison lorsqu’elle souligne les désillusions de certains électeurs. Prenez un passant dans la rue, et essayez de lui donner un tract politique ou de lui parler d’élections : vous risquez au mieux d’être ignoré, au pire d’être pris à parti. Les promesses non tenues de Nicolas Sarkozy, mais aussi celles proposées par des partis de gauche qui n’ont ni la capacité, ni la volonté, ni le pouvoir de les mettre en œuvre.

La deuxième solution consiste en la dénonciation systématique du programme du FN. Mais attention, pas les indignations outrées d'une Christine Boutin sur France 3 : il faut montrer aux électeurs l'absurdité et l'extrémisme des propositions du FN. En vrac : le FN est contre l'avortement, pour la peine de mort, contre les couples homosexuels, pour le doublement du nombre d'autoroutes, contre le droit de grève et pour l'uniforme dans les collèges et les lycées. Je suis sûr qu'en rappelant seulement ça aux électeurs, le score de l'extrême droite baisserait de moitié.

Il ne faut pas ostraciser les extrêmes, car ça leur donnerait un prétexte de victimisation. Il faut les affronter de face pour mieux les combattre. Et quand je dis de face, je ne parle pas d'un débat sur la place de l'islam en France. Au contraire, je parle d’aller à l’opposé de ce qu’attendent les Le Pen.

dimanche 20 mars 2011

Japon : l'humanitaire international peut-il être financier ?

Alors que le Japon traverse sans doute sa plus grave crise depuis la seconde guerre mondiale, les appels aux dons se multiplient, et partout on voit des images de japonais endeuillés, réfugiés, fuyant le désastre du séisme et du tsunami, ou au contraire cherchant des proches dans les décombres de leur maison. Alors que tout n’est que désolation, notre générosité est appelée à l’aide.

Face à ce drame humanitaire, avec déjà plus de 500 000 personnes déplacées, la communauté internationale se doit de réagir pour aider les japonais. Comme souvent après des catastrophes humanitaires, la première réponse attendue et fournie est financière : pour aider les survivants, il faudrait donc donner de l'argent. Personnellement, je ne vois pas comment donner de l'argent à la 3ème puissance économique mondiale va les aider. Pour moi, ce n'est pas d'argent dont les japonais ont besoin, mais d'aide matérielle.
Les deux catastrophes naturelles ont privé une partie de la population d'eau courante, d'électricité, de gaz, de pétrole, de vivres, de matériel hospitalier. Il y a déjà plusieurs dizaines de milliers de sauveteurs et réparateurs qui s'occupent de reconstruire le pays, mais ça ne suffit pas.

Livrons-nous à un petit exercice de réflexion : imaginez qu'en France, ou là où vous habitez, un séisme suivi d'un tsunami provoquent le chaos dans le pays, jettent des centaines de milliers de personnes dans la rue, et vous privent d'eau, d'électricité, et j'en passe. Préfériez-vous alors recevoir quelques centaines d'euros pour survivre quelques jours, ou voir des personnes compétentes vous aider pour la recherche des survivants, pour la reconstruction de votre maison, pour le rétablissement des lignes électriques ?

Imaginez-vous dans un paysage apocalyptique, avec de la boue à perte de vue, et votre maison en ruine devant vous. La première chose que vous faites est-elle alors de chercher votre carte bancaire dans les décombres, ou de chercher vos proches, de chercher des vivres, de chercher de l’eau et un toit ?

Aujourd'hui, les japonais ont besoin d'aide matérielle et de « main d'œuvre humanitaire » : envoyer des équipes de recherche est plus utile que de l'argent, envoyer des techniciens d'EDF permet des rétablissements de lignes plus rapides, envoyer des vivres est plus urgent que leur donner de quoi s'en acheter.

Au fond, je suis contre toutes les organisations de collecte de fond, pour plusieurs raisons. D'une part, ce ne sont pas les plus efficaces pour organiser l'envoi de matériel, de vivres ou de personnel : une coordination à plus grande échelle est nécessaire pour une meilleure efficacité, et les Etats constituent la meilleure échelle pour une aide humanitaire globale. Ensuite, ces organisations de collecte procèdent souvent par harcèlement, par courrier, téléphone, ou directement dans la rue, ne manquant pas de vous faire culpabiliser à chaque fois qu'elles en ont l'occasion, avec le même cynisme que des employés de pompes funèbres : «je suis sûr que vous voulez le meilleur pour votre père ». Et enfin, ces organisations sont pour la plupart devenues des monstres bureaucratiques, qui engloutissent une part importante des dons dans de la gestion quotidienne de locaux à Paris ou dans les salaires d'employés.

Au final, non seulement vous êtes harcelé, vous culpabilisez et vous donnez, mais en plus jusqu'à la moitié de vos dons ne profitent pas à ce qui est écrit sur l'enveloppe.

Vous me direz, toutes les organisations ne sont pas comme ça, seulement certaines grosses structures américaines ou des micro-associations. Et je suis totalement d'accord avec vous. Je ne prône pas ici la suppression de l'humanitaire associatif, surtout quand je vois le rôle que jouent des associations comme Médecins Sans Frontières, pour ne citer qu'eux. Seulement, je pense que l'utilisation des dons doit être repensée, et que la politique de soutien des pays qui en ont besoin par l'envoi massif d'argent doit à tout prix être évitée. Pour une meilleure efficacité, et contre les tentatives de détournement de fonds de leur but originel.

Cantonales : quelle portée donner aux résultats ?

Aujourd'hui environ la moitié des français inscrits sur les listes électorales devront aller voter pour choisir leur conseiller général.

A quoi sert cet élu dont on entend assez peu parler ? En tant que conseiller, il siège (ou devrait siéger, l'abstention étant parfois assez élevée chez les élus) au conseil général. Ils s'y occupent alors des départements, mais ont également des rôles plus importants, notamment pour la désignation des sénateurs, ou pour participer à des processus de décision à plus grande échelle, à l'exemple de leur participation dans le STIF en Ile-de-France, organisme cochargé de l'organisation des transports.

Les résultats de cette élection, qui s'achèvera dans huit jours après le second tour, seront amplement analysés, commentés, disséqués par tous les journalistes et les hommes politiques. Et comme toujours, le sens à donner aux résultats variera selon les formations politiques. C'est toujours comme ça, et c'est tellement prévisible que je peux déjà jouer le rôle du politique de base interviewé sur une matinale du lundi matin. N'étant ni expert en sondages, ni voyant, je dois donc distinguer plusieurs cas :
  • 1er cas : la droite gagne un ou plusieurs départements : l'UMP criera alors à la victoire, en ne manquant pas de souligner leur modestie apparente et leur volonté de mener à bien la politique du gouvernement. On aura alors droit à des "c'est la preuve que les français voient que la gauche ne propose rien alors que Nicolas Sarkozy travaille pour résoudre la pire crise depuis la Rome antique". La gauche, elle, relativisera la portée des résultats, en soulignant le caractère local de l'élection. Alors même que les ténors de l'opposition présidentielle n'ont pas manqué d'appeler à un vote sanction contre la droite.
  • 2ème cas : la gauche gagne un ou plusieurs départements : on reprend le scénario précédent, en sens inverse. On pourrait même ajouter une déclaration de François Fillon sur TF1 pour dire que le gouvernement a entendu les inquiétudes des français mais qu'ils doivent attendre que les effets des réformes gouvernementales se montrent.
A cela, on doit ajouter les variantes des partis plus petits :
  • 1ère variante : le Front National : s'il ne gagne aucun canton, il ne manquera pas de dire qu'il ne s'agissait que de la première étape avant 2012, en soulignant ses scores élevés. S'il en gagne, ce sera le bonheur suprême pour tous les nationaux, signe que les français rejettent l'UMPS.
  • 2ème variante : Europe Écologie Les Verts : au plus bas dans les sondages, ils pourraient bénéficier du débat sur le nucléaire. Cependant, leur stratégie d'alliance ou non avec les socialistes et les communistes est parfois difficilement compréhensible par les électeurs, qui pourraient le montrer. En tout cas, ils voudront peser plus par la suite dans leur alliance avec la gauche.
  • 3ème variante : l'extrême gauche et le Parti de Gauche : ils vont sans doute faire mieux qu'aux dernières élections, et on entendra Jean-Luc Melenchon clamer que le peuple l'a choisi.
Ce qui est sûr, c'est que tous les politiques vont parler au nom des français, et sans doute à leur place. A mon goût, c'est une mauvaise habitude que certains devraient très vite perdre : il n'y a rien de plus énervant que les "les français ont bien compris que", ou "les français ne veulent pas de", ou encore "je parle aux français, ils me disent bien que". Ils devraient arrêter de prendre leurs souhaits pour des réalités.

Dans une moindre mesure reviendra donc le débat sur la portée à donner à ces élections. Alors, finalement, comment doit-on interpréter les résultats ? C'est le moment où, moi aussi, je vais parler au nom des autres. Certains diront que je parle au nom des français, d'autres que je fais de la psychologie de caniveau, mais je vais quand même tenter d'y voir plus clair.

Assurément, cette élection aura en premier lieu des conséquences locales, comme indiqué précédemment. On pourrait donc penser naïvement que les électeurs voteront pour leur potentiel meilleur conseiller général. Ou encore, que leur but sera d'exprimer leurs convictions profondes. Mais en réalité, il n'en est souvent rien.

Si on regarde l'immense majorité des français, celle qui ne fait pas de politique, ne regarde pas les débats sur BFM TV entre personnalités nationales et ne connait du programme des candidats que les clichés habituels sur les différents partis, on peut s'attendre à ce que prévoient les médias : une forte abstention et une dominance des votes de contestation contre les partis au pouvoir, donc avec une forte montée du FN.

Il faut bien savoir que la majorité des électeurs ne connaissent pas leurs élus, à part leur président, leur maire et éventuellement leur député. Ils ne savent donc souvent rien de la politique menée, et sont ainsi d'autant plus influencés par les conversations de café-pmu et les tracts à slogan choc, à l'image de ce que des partis extrêmes peuvent éditer. Et au final, cette attitude n'est dictée que par des enjeux nationaux. Je ne pense pas que les électeurs votent en pensant mettre en garde le gouvernement, mais plutôt qu'ils votent en pensant à ce qu'ils ont entendu dire sur le gouvernement. Ce qui expliquerait que les majorités parlementaires ne remportent presque jamais les élections locales de mi-mandat.

L'élection a donc des enjeux locaux, mais sera influencée par des considérations nationales. Je pense donc que le gouvernement ne doit pas en tenir compte dans leur politique, puisque seules les élections présidentielles et législatives définissent le fond que veut une majorité de français. Seulement, de mauvais résultats devront l'amener à repenser sa communication : arrêt des éléments de langage, ligne politique commune à l'UMP, fin de la critique systématique et parfois fallacieuse des socialistes, recentrage vers des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité entre les français. A mon goût, ce serait déjà un premier pas pour envisager une reconquête de leur électorat.