samedi 27 août 2011

Une agence de notation européenne, ou qui veut dépenser 300 millions d'euros

« Rien ne nous empêche de créer rapidement une agence de notations européenne. »
Dans son discours du 20 août dernier, à Clermont-Ferrand, Eva Joly affirme clairement son envie de créer une telle agence. Mais elle n'est pas la seule. Voyons ce que d'autres politiques en pensent.

Arnaud Montebourg, candidat à la primaire socialiste, affirme dans un communiqué son intention de « Démanteler les agences de notation privées, véritables dangers publics ». Selon lui, « l’Europe doit parallèlement organiser la création d’une agence de notation publique européenne. Elle serait indépendante, transparente et déconnectée des intérêts privés. »

On rencontre alors un premier problème : comment une agence de notation publique pourrait-elle être indépendante ? Comment une agence « chapeautée par la BCE », comme le veut Jean-Claude Juncker, pourrait-elle être crédible pour les acteurs économiques et ne pas être entachée de soupçons d'influences ? Le but, offrir une alternative à Standard and Poor's, Moody's et Fitch, serait alors compromis dès la création.


Le meilleur exemple d'une agence publique indépendante qui n'a pas fonctionné est en Chine, avec Dagong. Cette agence chinoise, fondée en 1994, n'a jamais fait référence dans le milieu, notamment à cause de ses notes plus élevées pour les créances chinoises et plus basses pour les occidentales. Ainsi, Dagong avait baissé la note de la dette américaine le 5 août dernier sans conséquence sur les marchés financiers.

L'indépendance d'une telle agence est donc capitale pour qu'elle soit utile. C'est pourquoi de riches familles allemandes soutiennent la création d'une agence de notation suisse, chargée au départ de noter seulement les crédits des entreprises. Une position à contre-courant des réflexions actuellement en cours au gouvernement allemand, démenties néanmoins par le ministre des Finances Wolfgang Schäuble.

Finalement, une telle agence est-elle nécessaire ? En quoi pourrait-elle changer la donne sur les marchés ? Faut-il dépenser 300 millions d'euros pour une structure qui n'aurait pour rôle que de confirmer les notes de ses concurrentes ? Je ne le pense pas. Une agence européenne ne serait utile que si elle était créée de manière totalement indépendante et transparente, sans intervention des Etats et sans financement par ceux-ci.


A défaut de créer une agence « publique et indépendante », certains voudraient supprimer les agences américaines, ou leur interdire de noter sévèrement les Etats ou entreprises en difficulté. Outre Arnaud Montebourg qui veut les « démanteler », Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front de Gauche, s'exclame : « les agences de notation, à la niche ! ».

Ces dernières propositions sont, au mieux irréalistes, au pire irresponsables. Rappelons déjà que les trois principales agences de notation sont, pour le coup, indépendance, qui plus est américaines : un homme politique français ne pourra rien contre elles. On retrouve ensuite le débat sempiternel du thermomètre et de la température, de la Cassandre et de la prédiction : faut-il taper sur celui qui annonce les difficultés des Etats et des entreprises ou sur celui qui est en difficulté ?

Un argument souvent utilisé est alors d'accuser les entreprises de notation de créer ces difficultés. Cependant, si elles peuvent être à l'origine d'un mouvement d'entrainement de baisse des cours ou de méfiance sur les marchés, étaient-ce les agences de notation qui avaient acheté des titres de subprimes avant 2008 ? Etaient-ce Standard and Poor's, Moody's ou Fitch qui ont emprunté sur les marchés pendant des dizaines d'années pour être endetté à hauteur de 152,315 % en 2011, comme la Grèce (en dette nette par rapport au PIB) ? Non. Alors, faut-il se cacher derrière de belles paroles, une volonté politique de surface de ne pas se laisser « dominer par les marchés » ? Le meilleur moyen d'être moins dépendant de leurs « volontés », c'est d'être raisonnable. Pas de les supprimer.

1 commentaire:

  1. Ce n'étaient pas les agences de notation qui notaient très bien des produits pourris avant la crise ??
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_des_subprimes#Le_r.C3.B4le_des_agences_de_notation

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