Alors qu'il existe en droit la notion de prescription, sorte d'oubli des faits les plus anciens, pourquoi Internet reste-t-il le seul endroit où il est impossible d'être oublié ?
Dans les projets politiques dévoilés par le Parti Socialiste et République Solidaire, le droit à l'oubli n'est pas mentionné. On parle souvent d'HADOPI, de licence globale, de lutte contre la pédopornographie, mais jamais de ce sujet peu médiatisé, pourtant directement lié au respect de la vie privée, qui joue aujourd'hui un rôle déterminant dans la société.
Les Allemands l'ont bien compris, en refusant massivement le programme Google Street View, qui prévoit de photographier chaque maison mais avait conduit à récolter des données personnelles par erreur. Toute activité sur Internet est susceptible d'entrainer des dérives, et il est aujourd'hui très difficile de s'en prémunir.
Le gouvernement, par l'intermédiaire de Luc Chatel, avait annoncé le 3 mai dernier un accord avec facebook pour la suppression des comptes d'élèves harcelant leurs petits camarades. Après un démenti prudent du réseau social, le gouvernement a présenté le 18 mai dernier un guide des « procédures à suivre pour traiter les cas de harcèlement entre élèves sur Internet » qui ne contient plus de partenariat.
C'est donc un échec du gouvernement, et une remise en cause de la possibilité d'instaurer un droit à l'oubli numérique. Les principales entreprises ne veulent pas conclure d'accord avec la France, mais sont en revanche prêtes à faciliter le signalement des abus. C'est à mon avis une voie à exploiter.
A défaut d'accord, une loi légalement contraignante pourrait contraindre les entreprises les plus en vues dans le référencement sur Internet, telles que Google ou Microsoft (avec son moteur de recherche Bing), et les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Myspace...), de permettre à l'utilisateur de supprimer facilement toutes les données le concernant. Prenons des exemples simples qui pourraient être testés.
Sur Twitter, aujourd'hui, un utilisateur a la possibilité de supprimer laborieusement ses « tweets » (messages courtes), mais ne peut pas contrôler ce qui est dit directement sur lui. On pourrait alors envisager un système de suppression facilitée, dans lequel un utilisateur, lorsqu'il supprime son compte Twitter, supprime également tous les autres messages lui faisant référence. Ou encore, la possibilité, par un nouveau lien, de signaler un tweet qu'il voudrait supprimer : non pas à l'entreprise qui serait sinon très vite débordée, mais à l'autre utilisateur.
Sur Google, les sites référencés sont mis en cache, donc une suppression de l'information à la source ne sera supprimée des résultats du moteur de recherche qu'après un délai plus ou moins long. De plus, il est difficile de supprimer un résultat indélicat, comme par exemple un article de journal titrant que vous êtes mis en examen alors que vous avez été relaxé entre temps. Il suffirait alors de demander à Google d'instaurer la possibilité de signaler de tels liens, pour compléter un dispositif déjà existant pour du spam.
Le droit à l'oubli numérique est très décrié, notamment par les adeptes de la transparence excessive, qui, à l'image de Mark Zuckerberg, estiment que toute activité sur Internet doit être signée et enregistrée. En oubliant cette volonté d'installer Facebook partout, on peut comprendre que le droit à l'oubli puisse sembler excessif, ou contre la liberté d'expression. Seulement, je pense que les deux sont compatibles, mais qu'on ne peut dire n'importe quoi que lorsque ça ne touche pas n'importe qui.
Pour rappel, il existe déjà une loi, la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, qui prévoit un certain nombre de disposition, dont la possibilité pour toute personne d'avoir accès à l'ensemble des données le concernant, et de pouvoir les modifier ou les supprimer. Cependant, il faut maintenant faciliter son application, surtout sur Internet.
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